Dans notre pratique aéromédicale, chaque vol doit nous permettre de mieux comprendre notre environnement aérien et de progresser dans nos connaissances. Notre équipe a mesuré les valeurs de pression en cabine lors de l’évacuation d’un traumatisé sévère en normobarie (tableau 1), puis durant le vol de retour, sans patient, en conditions de vol normal (tableau 2).
Objet : Nous rapportons ici le cas d’un patient écossais de 68 ans évacué de Paris à Inverness (Nord Ecosse) en avion ambulance vol « altitude zéro » le 25 novembre dernier (D1115410 ).
Protocole : Durant le vol, nous avons procédé à des mesures de données à l’intérieur de la cabine de l’avion (Piaggio Avanti II) à l’aide d’un altimètre de poignet de type parachutiste et les avons comparées à l’altitude réelle du vol de retour en nous basant sur les informations fournies par l’avionneur (issues des données GPS de l’avion).
Suite à une chute dans les escaliers du métro parisien, le patient avait présenté un traumatisme crânien grave le 14 octobre compliqué d’une hémorragie méningée, d’un hématome sous dural, des fractures multiples de la face et d’une fracture cervicale C2-C3. Le patient a bénéficié d’une fixation du rachis cervical par voie postérieure et a été extubé en postopératoire immédiat. Au réveil il présente une confusion mise sur le compte d’un sevrage alcoolique. Les multiples imagerie cérébrale de contrôle ont montré une bonne résorption des hématomes intra crânien ainsi que la persistance d’une pneumoencéphalie. Les imageries de contrôle ont également mis en évidence une bulle d’emphysème pulmonaire préexistante.
Du fait de la persistance de la pneumoencéphalie à distance du traumatisme et de l’état confusionnel du patient avec agitation rendant compliqué une surveillance neurologique, et également du fait de la présence de l’emphysème pulmonaire, il est décidé de procéder à un rapatriement en avion ambulance en altitude zéro.
Résultats :
Lors du vol aller, l’altitude mesuré à bord de l’avion est restée à zéro (zéro qui a été calibré au niveau du sol du Bourget) alors que l’altitude de croisière de l’avion était de 7315 mètres (m). La durée du vol de deux heures, sans escale
Lors du vol retour, l’altitude maximale mesurée au sein de la cabine était de 1329 mètres pour une altitude de vol de croisière à 10 058m. Sur la même distance qu’au vol aller, la pression cabine est mesurée pour nous assurer de l’utilité de demander un vol « sea level » à l’opérateur d’avion.
Discussion:
Lorsqu’on consulte la notice de spécifications du constructeur du Piaggio Avanti II, il est bien noté que le système de pressurisation de l’avion est capable de maintenir une altitude zéro jusqu’à une altitude réelle de 7315m.
Nous rappelons que l’altitude zéro ou « sea level » correspond à une pression atmosphérique au sein de la cabine de l’avion identique à la pression atmosphérique au niveau de la mer.
La loi de Boyle Mariotte nous indique que le produit de la pression d’un gaz par son volume reste constant. Ainsi nous comprenons que lors de la montée en altitude qui se caractérise par une hypobarie, on constate une augmentation parallèle du volume des gaz au sein de l’avion.
Concernant notre patient, le risque théorique est la majoration du volume de la pneumoencéphalie lors de la montée en altitude, ce qui pourrait provoquer une majoration de la pression intracrânienne. Le vol en altitude zéro a permis d’annuler ce risque.
Par ailleurs, la majoration du volume de la bulle d’emphysème pulmonaire en ville risque également d’entrainer une rupture de cette bulle au niveau de la plèvre et par là un pneumothorax.
Lors du vol retour on constate que l’altitude mesurée au sein de l’avion lors du vol retour est de 1329m au maximum. L’augmentation du volume des gaz est de l’ordre de 20% à cette altitude cabine.
Les lois de la physique en altitude doivent être connues et les applications comprises de toute équipe médicale et prises en comptes dans la réflexion médicale lors d’un transfert médicalisé par voie aérienne.
Conclusion:
Sur ce type d’avion, et pour une courte distance, un vol en »altitude zéro » est possible et peut être une solution élégante pour transporter un patient porteur d’une cavité gazeuse non naturelle sans obligation de le drainer le temps du transfert. L’altimètre confirme que le pilote peut améliorer la pressurisation cabine sur demande de l’équipe médicale sans impacter le temps de vol, donc sans majorer le prix du vol. Cette demande doit être faite lors de la préparation du vol auprès des pilotes, qui l’intégreront dans leur plan de vol.
Remarque : Les autres répercussions physiologiques rencontrées lors de la montée en altitude sont décrites dans le livre écrit par l’équipe de Medic’Air : Évacuations sanitaires aériennes, bonnes pratiques et fiches thérapeutiques bientôt disponible en format Ebook.