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Les cellules d’isolement pour le transport de patient COVID auraient elles fait long feu ?

By 26 mars 2022mai 26th, 2022Aucun commentaire

1 / Historique

En 2010 l’explosion du volcan islandais Eyjafjöll, a bloqué la circulation aérienne sur la quasi-totalité de l’Europe jusqu’à la partie nord de la France – pendant plusieurs jours. Les cendres rejetées par le volcan dans l’atmosphère représentaient un danger par étouffement des réacteurs et un risque d’altération des mesures des sondes situées sur la carlingue.

Volcan Eyjafjöll durant son éruption

Disposant alors d’un avion bi-turbopropulseur à hélices (moins sensible à ces risques) – et avec l’autorisation dérogatoire pour des vols ambulance (NOTAM) – nous avons été mandatés pour rapatrier sur le CHU de Brest deux patients nécessitant des soins intensifs par le même vol. Ces patients, transférés sur des services de neurochirurgie parisiens, avant l’éruption du volcan, avaient pu bénéficier des soins spécialisés et pouvaient retourner dans leur service d’origine en Bretagne.

L’un d’eux, après de longues semaines en réanimation, était colonisé par des bactéries multi résistantes (BMR).

Pour la première fois nous avons dû utiliser une bulle d’isolement pour éviter toute contamination croisée dans la cabine de notre avion et nous permettre d’évacuer simultanément ces deux malades.

Mis en isolement sous bulle dès sa prise en charge dans le premier hôpital, ce patient a effectué tout le trajet hôpital /aéroport du Bourget/ aéroport de Brest/ hôpital sous bulle d’isolement en bénéficiant de soins simples (aspiration bronchique sur trachéotomie pour exemple). Aucun incident n’a été noté durant tout le trajet.

Par la suite nous avons continué d’utiliser des ATI (Air Transit Isolateur)  pour transporter des patients contagieux : tuberculeux bacillaire au lendemain de la pose de son diagnostic puis des patients atteints de fièvres hémorragiques (confirmés ou suspicion) en particulier lors de l’épidémie de fièvre Ebola en Afrique de l’Ouest en 2015. Ces patients respiraient soit en air ambiant, soit sous lunettes d’oxygène à un maximum de débit de 2 lpm continu.

Evac d’Afrique de l’Ouest d’un cas de tuberculose miliaire sous isolement

La pandémie de coronavirus –dans les premiers mois – a vu se développer l’utilisation de différents types de bulles d’isolement, à pression négative, pour évacuer des patients positifs à la COVID 19, sans que des chiffres vérifiés ne soient connus pour estimer le nombre de ces transports réellement effectués et sous quelles conditions.

Avec la vaccination des soignants, et une meilleure connaissance de la maladie, l’impérative précaution de ces transferts sous bulle s’est estompée.

Les patients asymptomatiques, ou en absence de détresse respiratoire, sont maintenant transportés porteurs d’un masque type chirurgical, le personnel d’accompagnement – avec un schéma vaccinal complet – sous masque FFP 2 et tenue de protection.

Pour les patients en détresse respiratoire, si l’indication d’un transport aérien sous VNI (Ventilation Non Invasive) a n’a pas été retenue du fait de la forte consommation d’oxygène et la dissémination du germe pathogène dans tout l’espace cabine, les patients, sédatés, sous ventilation mécanique en circuit fermé ont pu bénéficier d’évacuation aérienne sur toutes distances, y compris trans continentales depuis les DOM TOM, vers la métropole, en particulier sur des long-courriers d’Air Austral et d’Air Caraïbes.

Alors que la dernière vague – avec le variant Omicron – semble contrôlée sur l’Europe de l’Ouest, nous continuons de travailler sur les possibilités d’évacuation de patients contagieux par des germes particulièrement pathogènes et pour lesquels aucun vaccin n’est disponible pour protéger nos équipes médicales et nos pilotes.

Nous gardons une attention particulière pour le virus de Marburg, de la famille des fièvres hémorragiques, présent en Afrique et également du MERS-CoV (Middle East Respiratory Syndrom CoronaVirus), coronavirus connu depuis 2012. Tous deux endémiques à quelques heures de vol de nos bases de départ de Paris et du Maroc et sans vaccin disponible à ce jour.

Le transport aérien d’un patient atteint par le virus de Marburg entre dans notre protocole de prise en charge d’une fièvre virale hémorragique déjà précisé dès 2015 (https://medic-air.com/wp-content/uploads/2021/09/EBOLA-Cas-Clinique-JEUR.pdf)

Pour le MERS-CoV,  nous nous sommes inquiétés de la limite de l’oxygénothérapie de ces patients placés dans une bulle et nécessitant une oxygénothérapie lors d’une atteinte respiratoire modérée, ne nécessitant pas de ventilation mécanique sous sédation.

 

2/ Etude des conséquences de l’oxygénothérapie dans une cellule d’isolement à flux continu et pression négative

Nous avons décidé de mesurer le taux d’oxygène (en % de volume) présent dans une de nos bulles à pression négative, type cellule Ramses®,  a l’occasion d’un de nos entraînements réguliers au sol, d’évacuation de patients atteints de fièvre virale hémorragique.

1/ Mode Opératoire

Un volontaire, chauve et imberbe, en bonne santé, non-fumeur, est désigné pour figurer le patient et sera isolé sous bulle le temps de l’exercice.

Le système d’ajustage d’oxygène vers l’intérieur de la bulle est connecté, relié à une paire de lunettes à oxygène.

Il dispose d’un oxymètre de pouls et de testeur d’oxygène.

Une fois installé dans la bulle, il est procédé à sa fermeture étanche et sa mise en dépression. Le moteur de la pompe en position maximum (3), soit un débit de 150 litres d’air par minute annoncé par le fabricant de la pompe.

Des cartouches filtrantes type P3 sont disposées à l’entrée et sortie des flux d’air.

Une fois la bulle fermée et mise en dépression, la saturation du sujet reste stable et la concentration de l’oxygène reste de 20,7% – comme attendue – dans l’enceinte.

 

Plusieurs situations sont réalisées et mesurées

  • avec un débit continu de 2 lpm d’oxygène en lunettes puis 4 lpm à partir d’une bouteille d’oxygène aéronautique type GSD 3200
  • avec un apport d’oxygène pulsé équivalent à 2 lpm puis 4 lpm (Extracteur d’oxygène Eclipse® de chez Sequal)

Chaque mesure est effectuée après un intervalle de temps de 10 minutes entre deux changements de débit/mode d’apport d’oxygène pour permettre le renouvellement des gaz dans la cellule.

Oxymètre de pouls et testeur d’Oxygène

 

Mesures sous bulle d’isolement

 

3/ Discussion

Théorie

Pour un débit annoncé de 150 l/m d’air entrant et sortant de la bulle, contenant 21% d’oxygène,

Si 4 litres d’oxygène sont apportés en plus par une bouteille d’oxygène aéronautique, le volume de gaz entrant dans la cellule est de 150 + 4 = 154 litres dont

150 x 0.21 = 31,5 litres + 4 litres = 34,5 litres d’oxygène

34,5 / 154 = 22,4 % d’oxygène attendu

Et en considérant négligeable la quantité d’oxygène consommée par le sujet dans la bulle en une minute.

Le constructeur précise dans sa fiche technique que le débit d’air à travers la bulle peut fluctuer en fonction du type de cartouches filtrantes utilisées.

1 / L’apport d’oxygène en débit continu (par une bouteille d’oxygène) à 2 lpm puis à 4 lpm montre une augmentation significative du % d’oxygène contenu dans la bulle. L’oxygènomètre indique une valeur supérieure à 25% d’oxygène, pour un débit continu de 4 lpm, ce qui est sa limite de détection, car au-delà du seuil dangereux d’inflammation spontanée de certains matériaux (cheveux, tissus…).

Cette valeur est certainement à corréler avec l’utilisation de filtres de haute protection type P3 et de la puissance des batteries Lithium générant l’électricité de la pompe après quelques heures d’utilisation, limitant les performances de la pompe (puissance 3 maximum de 150 l pm annoncées par le fabriquant).

 

En reprenant les calculs : Pour une concentration de 24,04 % d’oxygène dans la cellule, avec un apport de 4 lpm d’O2 continu, cela correspond à un flux entrant / sortant de seulement 80 lpm d’air.

 

Remarque : Un certain nombre de modèles de bulles d’isolement ont émergé sur les marchés avec la pandémie. En plastique  rigide (Coque) ou PVC « cristal »  (Bulle) ces équipements, n’étant pas fixés à la structure propre de l’avion, n’ont pas obtenu d’agrément aéronautique des autorités.  Certains fabricants ont probablement réalisé des tests de combustion, mais ils sont certainement peu nombreux, d’autant que la conception première  de ces matériaux visait l’extraction de victimes d’une zone contaminée NRBC et non pas un usage aéronautique

En pratique, l’introduction d’une source d’oxygène  portant la concentration d’oxygène à 25%, voir plus, rend possible toute inflammation à l’intérieur d’une enceinte en PVC, et amène un risque non acceptable dans une cabine d’avion.

 

 

2/ L’apport d’oxygène par un mode pulsé se fait par paliers de 16 ml d’oxygène, avec un maximum d’un volume de 192 ml d’oxygène par inspiration déclenchée par le patient. A l’équivalent de 4 lpm, le taux d’oxygène contenu dans l’ensemble de la bulle reste sous le niveau des 22%, sans risque majoré d’inflammation spontanée. C’est cette unique solution d’oxygénothérapie que nous gardons dans nos protocoles thérapeutiques.

 

4/ Conclusion 

En résumé de cette étude qui demande à être complétée, et en prenant en considération nos conditions de travail en vol, c’est-à-dire :

  • Cellule d’isolement type Ramses ®
  • Filtres NRBC type P3
  • Prise en charge de plusieurs heures, avec des batteries Lithium

notre protocole « BAT » (Biorisk Air Transport) garde tout son sens en le renforçant par :

  • L’utilisation systématique d’un oxygènomètre si le débit d’oxygène nécessaire au patient est supérieur à 2 lpm
  • Interdiction de l’utilisation d’oxygénothérapie en continu – quel que soit le débit –  au profit de l’oxygénothérapie pulsée par un concentrateur d’oxygène, avec sécurisation de ses sources d’électricité (batteries, source d’électricité type 12V continu ou domestique).

Et nous conservons nos règles déjà établies : Tout patient hautement contagieux susceptible d’avoir besoin de plus de 4 lpm d’oxygène en vol doit bénéficier de ventilation mécanique en circuit fermé ….. ou attendre une amélioration clinique et respiratoire pour initier son vol de transfert.

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